enténébrer

enténébrer

enténébrer [ ɑ̃tenebre ] v. tr. <conjug. : 6>
XIIIe; de en- et ténèbres
Littér. Envelopper de ténèbres, plonger dans les ténèbres. assombrir, obscurcir. « Ses vitraux colorés l'enténèbrent [la chapelle] de cette obscurité propre au recueillement » (Chateaubriand). Pronom. « l'ombre épaisse s'enténébrant de bleu » (Cl. Simon). Fig. « Il l'avait accusée de calomnier le monde, d'enténébrer la vie » (F. Mauriac).
P. p. adj. Une salle enténébrée.
⊗ CONTR. Éclaircir. Égayer.

enténébrer verbe transitif (de ténèbre) Littéraire. Plonger un lieu dans les ténèbres ; assombrir. ● enténébrer (difficultés) verbe transitif (de ténèbre) Conjugaison Attention à l'accent, tantôt grave, tantôt aigu : j'enténèbre, nous enténébrons ; il enténébrera.

enténébrer
v. tr. Litt. Plonger dans les ténèbres.
Fig. Assombrir, affliger. Une existence enténébrée d'incessants malheurs.

⇒ENTÉNÉBRER, verbe trans.
A.— Domaine concr.
1. [Le compl. désigne un inanimé] Envelopper de ténèbres, plonger dans l'obscurité (un paysage, un édifice). Synon. assombrir. Ses vitraux coloriés [de la cathédrale] l'enténèbrent de cette obscurité propre au recueillement (CHATEAUBR., Mém., t. 4, 1848, p. 192). Une poussière rougeâtre (...) enténébrait l'atmosphère (THARAUD, Bienaimées, 1932, p. 249) :
1. Un soir qu'il [Raboliot] était resté plus longtemps à la lisière du Chamboux, (...) il avait vu la nuit engrisailler la lande, l'enténébrer sous un ciel sans lune, ...
GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 293.
Au passif. [Avec un compl. introduit par les prép. de ou par] Les bois noirs de sapins étaient déjà obscurcis et enténébrés du soir (MICHELET, Oiseau, 1856, p. 158). Cette salle était (...) enténébrée malgré ses nombreuses fenêtres par l'éternelle poussière noire (GENEVOIX, E. Charlebois, 1944, p. 78).
Emploi pronom. à sens passif. Otto, debout contre la vitre, (...) regardait s'enténébrer le ciel (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 317). Le chemin s'enfonce, s'enténèbre (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 57).
2. Rare. Mettre une note sombre. Orchidées enténébrées de crêpes. De longues boucles noires, presques bleues, enténébraient cette face blanche (LORRAIN, Contes chandelle, 1897, p. 172).
Rem. La docum. atteste enténèbrement, subst. masc. Il est des rares indépendants que n'aient pas tout d'abord influencé le travers du bleu et la manie du lilas; lui, au contraire, avait à se débarrasser des enténèbrements de l'école (HUYSMANS, Art mod., 1883, p. 116).
B.— P. métaph. et au fig.
1. [Avec l'idée de confusion, de trouble; le compl. désigne une faculté intellectuelle] Rendre incapable de discernement, faire perdre la possibilité de raisonner. Enténébrer l'esprit, la raison. Je sais pourquoi ma raison, ce soir, est enténébrée. Dans mon esprit gâté par l'abus récent de l'opium, la privation soudaine de cette drogue ajoute le ravage au ravage (BOUSQUET, Trad. du silence, 1935-36, p. 187) :
2. ... le courant froid qui longeait la côte condensait sur le large des brumes décevantes et molles qui (...) faisaient du rivage ce désert frileux et moite, à l'haleine humide de malade, qui mollissait les muscles et enténébrait le cerveau.
GRACQ, Le Rivage des Syrtes, 1951, p. 282.
Emploi pronom. à sens passif. Alban chercha à maîtriser son esprit qui s'enténébrait (MONTHERL., Songe, 1922, p. 114).
2. [Avec l'idée de tristesse, de menace qu'évoquent les ténèbres]
a) Rendre triste, sombre; priver de gaieté, de joie. Sa présence enténébrait le plus joyeux repas. Il [Edward] ne savait plus laisser au vestiaire son masque fatal (MAURIAC, Chair et sang, 1920, p. 217) :
3. On était en droit de rechercher le Christ en deçà du supplice, et dans la plénitude de sa joie (...). C'est le Christ crucifié qu'on continuait à voir, à enseigner. C'est ainsi que cette religion parvint à enténébrer le monde.
GIDE, Feuillets, 1928, p. 899.
b) Emploi pronom. à sens passif. [Le suj. désigne la physionomie d'une pers.] Avoir une expression hostile, menaçante. Des visages qui s'ouvraient déjà, se ferment. Il serait plus juste de dire qu'ils s'obscurcissent, s'enténèbrent (BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p. 1105).
Prononc. :[]. Étymol. et Hist. Fin XIIIe s. entenebrez (Vies des Saints, Richel. 20330, f° 2 r° ds GDF.). Dér. de ténèbre; préf. en-; dés. -er. Fréq. abs. littér. :22. Bbg. DARM. 1877, p. 139.

enténébrer [ɑ̃tenebʀe] v. tr. [CONJUG. céder.]
ÉTYM. Fin XIIIe; de en, ténèbre, et suff. verbal.
1 Littér. Envelopper de ténèbres, plonger dans les ténèbres. Assombrir, obscurcir. || Le crépuscule (cit. 3) enténébrait le ciel.
1 Je courus de la Vieille chapelle à la cathédrale. Plus petite que celle d'Ulm, elle est plus religieuse et d'un plus beau style. Ses vitraux coloriés l'enténèbrent de cette obscurité propre au recueillement.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. VI, p. 26.
Pron. || La plaine s'enténébrait.
2 C'est que, maintenant, l'estuaire qui achève de s'enténébrer, et où ne se voient plus les amas d'habitations humaines, lui semble peu à peu devenir différent (…)
Loti, Ramuntcho, I, XIII, p. 120.
2.1 (…) l'ombre épaisse s'enténébrant de bleu, tombant sur eux maintenant, les recouvrant comme une couche opaque et uniforme de peinture (…)
Claude Simon, la Route des Flandres, p. 243.
2 (Av. 1848). Abstrait. Assombrir, attrister.
2.2 (…) le malheur ayant fait tomber les squames qui enténébraient son génie, le simple pitre qu'il avait été jusque-là fit enfin place au grand moraliste.
Léon Bloy, le Désespéré, p. 247.
3 Pendant des années (et c'était le secret de sa taciturnité), il avait à son insu tenu rigueur à sa mère de cette austérité inflexible. Il l'avait accusée de calomnier le monde, d'enténébrer la vie.
F. Mauriac, le Mal, p. 99 (→ aussi Croix, cit. 11).
——————
enténébré, ée p. p. adj.
|| Nuit enténébrée. Obscur, sombre. || Une salle enténébrée.
3.1 Le sifflet du train qui file à travers la campagne enténébrée m'arrive du fond d'un univers fictif.
S. de Beauvoir, Tout compte fait, p. 237.
Abstrait. || Un esprit enténébré.
4 (…) cette nuit est enténébrée de désirs.
Michelet, la Femme, p. 212.
5 (…) les souvenirs des songes (…) si enténébrés que souvent nous ne les apercevons pour la première fois qu'en pleine après-midi quand le rayon d'une idée similaire vient fortuitement les frapper (…)
Proust, À la recherche du temps perdu, t. VI, p. 105.
CONTR. Éclaircir. — Égayer.
DÉR. Enténèbrement.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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